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Tours de guet et razzias

dimanche 24 janvier 2016

Les razzias venues du Maghreb, commencées dès le XVe siècle, deviennent dès les années 1510 permanentes sur tout le littoral corse.
Les pirates, dénommés Turchi di Barbaria à partir de 1518, avec la dépendance des rois d’Alger à l’empire ottoman, mènent toutes sortes d’incursions, des incursions légères à l’aide de quelques bateaux, voire d’une seule embarcation, comme de véritables expéditions.

En outre, ils établissent des bases permanentes à Agnello, dans le Cap, à Campomoro, dans le golfe du Valinco, comme ils en créent sur le continent (Porquerolles, Agay).
L’objectif de ces razzias est de faire le maximum de prisonniers, une monnaie d’échange pour les négociations de rachat que mènent les familles ou des confréries pieuses qui en font leur activité principale...
En conséquence les populations désertent les rivages, 95 villages sont ainsi abandonnés, et les populations se regroupent par souci de sécurité comme à Sartène, mais sans garantie de succès puisque la ville est aussitôt prise....
Le dey d’Alger, Hassan Veneziano, fait ainsi 420 prisonniers lors de la prise de Sartène le 24 mai 1583, et 130 à Arbellara.
Les génois accélèrent alors leur programme de constructions de tours de guet, bâties dans l’ensemble sur le même modèle. Elles sont financées par les particuliers dans les villages.
Parallèlement les états développent des flottes afin de mener la chasse aux pirates, chasse à laquelle les Etats Unis d’Amérique participeront en envoyant plusieurs vaisseaux en Méditerranée.
La dernière razzia concerne le Cap. Elle est signalée en 1731.

Mais ces tours génoises ne seront pas les dernières tours construites sur l’île. Pour protéger la pêche du corail, activité fort lucrative, une nouvelle série de tours est édifiée au XVIe siècle (Tour d’Olmetto, tour de Caldarello...).
Ces tours sont construites sur un modèle identique qui les différencie des tours génoises. Une défense qui sera doublée par l’installation d’une tête de pont sur la côte même du Maghreb. Le fils du fondateur de la Compagnie du corail, Tommaso de Morsiglia installe un bastion, le Bastion de France, entre La Calle et Bône (Annaba) pour abriter ses pêcheurs. Tommaso meurt en 1568 et le Bastion de France ne disparaît qu’en 1637.


La prise de Constantinople par les Turcs eut lieu en 1453. Quelques années leur ont suffi pour prendre la maîtrise du bassin occidental de la Méditerranée.

Ces razzias n’ont pas pour objet l’islamisation, comme les croisades n’avaient pas pour objectif la christianisation, elles ont des objectifs matériels, elles rentrent dans le jeu de royaumes, et d’empire. La meilleure preuve est française :
En 1553, l’Espagne et la France s’affrontent, et l’affrontement se concrétise en Italie, précisément en Corse où quatre vingt cinq galères, dont soixante d’ entre elles turques, commandées par le corsaire Dragut, et vingt cinq françaises, commandées par de Thermes et Paulin de la Garde, débarquent....
No comment diraient les anglais...

Portfolio

  • Tour génoise de Roccapina
  • Ecroulements à la Tour de Roccapina
  • Tour gênoise de Sénetose

Messages

  • La marine américaine a joué un grand rôle dans l’éradication des flottes pirates en Méditerranée.
    Leur intervention dès le XIXe siècle peut surprendre, mais la Méditerranée était alors plus importante qu’aujourd’hui d’un point de vue commercial. Et la piraterie gênait les Etats Unis fort attachés à la liberté de commerce.
    C’est la qualité de fabrication de leurs vaisseaux qui fut décisive : construits en pin blanc, une variété de pin inconnue en Europe, les bordés de leurs vaisseaux résistaient mieux à l’impact des canons, ils n’éclataient pas mais faisaient rebondir les boulets.
    C’est la liberté du commerce qui apporta la tranquillité aux riverains de la Méditerranée.

  • Un sanctuaire du IVe  siècle a été mis au jour à Lucciana. Une première sur l’île, où ce culte monothéiste concurrença le christianisme jusqu’à son interdiction en 392.

    A l’extrémité sud de l’aéroport de Bastia, des archéologues grattent la terre, dans les fondations qu’ils ont révélées en novembre 2016. Là, il y a près de deux mille ans, à la fin du Ier siècle de notre ère, dans cette plaine côtière où le fleuve Golo termine sa course, le général et consul romain Caius Marius fonda une colonie qui allait porter son nom, Mariana.

    Fouillée de manière discontinue depuis quatre-vingts ans, la petite ville romaine vient de surprendre les archéologues de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). A l’occasion de fouilles préalables, les chercheurs ont sorti de terre une bien curieuse structure. Entre deux crues hivernales du Golo, ils ont mis au jour une longue salle de 11 mètres sur 6, constituée d’un couloir central que bordaient et surplombaient, de part et d’autre, deux banquettes de 1,80 mètre de large. « Quand on a commencé à dégager, reconnaît Philippe Chapon, l’archéologue de l’Inrap responsable de la fouille, on s’est demandé ce que c’était, peut-être une cale à bateaux… »

    La découverte de trois fragments formant la partie inférieure d’un bas-relief carré qui devait mesurer 50 cm de côté a livré la clef du mystère. L’œil du profane n’y distingue, à grand-peine, qu’un fouillis de jambes humaines et de pattes animales. Mais les spécialistes reconstituent aisément la scène : il s’agit d’un classique de l’iconographie antique, la mise à mort du taureau par le dieu Mithra. A défaut de le voir vraiment, on finit par deviner la patte arrière de l’animal sur laquelle se surimprime la jambe du dieu, un scorpion qui pince les testicules du ­bovidé, un serpent et un chien qui se nourrissent là où le poignard divin a frappé et un personnage, tout à fait à droite de la scène, portant une torche à l’envers pour symboliser le soleil couchant et la mort.

    Ce n’était donc pas une cale à bateaux, mais un «  mithræum  », un sanctuaire dédié à Mithra, ­divinité d’origine indo-iranienne adoptée par des Romains au cours de la période impériale. Plusieurs mithræa ont déjà été retrouvés en France (à Bordeaux, Strasbourg, Angers…), mais c’est le premier jamais découvert en Corse. «  Le bâtiment ne devait pas avoir de fenêtre, explique Philippe Chapon, car le culte se fait dans la pénombre – pour reproduire l’ambiance de la grotte où Mithra tue le taureau –, d’où la présence de lampes à huile que nous avons retrouvées dans les niches aménagées dans les banquettes. » Des banquettes sur lesquelles devaient se tenir les initiés, tous de sexe masculin. Les archéologues ont également retrouvé des clochettes en bronze, qui pouvaient faire partie du culte, une petite tête de femme en marbre, dont les traits ont été effacés, des monnaies et, dans la cour qui jouxtait le bâtiment, de nombreux fragments de lampes à huile et de petits pots à offrandes, ainsi que des restes animaux.

    L’histoire du mithræum de Mariana ne s’est pas bien terminée. Si le bas-relief est en si piteux état, en partie désagrégé, c’est parce qu’il a été brisé et livré aux flammes. Philippe Chapon ­estime peu probable que la partie haute de la sculpture ait survécu et qu’on la retrouve lors des deux semaines de fouilles qui restent. Quant au bâtiment en lui-même, « il a été en partie détruit et comblé » de gravats, notamment de débris d’amphores africaines, ajoute l’archéologue, qui précise que le site a été réoccupé ensuite.

    La destruction a eu lieu à la fin du IVe siècle, ce qui n’a rien d’étonnant : en 392, Théodose Ier ­interdit les cultes païens, le christianisme étant devenu la religion officielle de l’Empire romain. Ainsi que l’explique Daniel Istria, chercheur au Laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée (université Aix-Marseille-CNRS), la concurrence entre christianisme et mithraïsme était réelle : « Les points communs sont nombreux. Il s’agit de deux monothéismes avec des rites initiatiques, de deux ­cultes à mystères. Le baptistère paléochrétien qui se trouve tout près est fermé et lui aussi réservé aux personnes qui ont été initiées. Dans ces deux religions, on donne l’espoir d’une vie meilleure dans l’au-delà. Et dans le culte mithraïque, la ­cérémonie se termine aussi par une eucharistie, un banquet où l’on partage le pain et le vin… » De la colonne vertébrale du taureau sacrifié par le dieu jaillissait en effet du blé, tandis que le sang de la bête était assimilé à du vin.

    Comme l’ont montré les recherches récentes de Daniel Istria, contrairement à ce que l’on a longtemps cru, la Corse n’a pas été évangélisée à la fin du Ve siècle par des évêques africains chassés vers les îles de la Méditerranée par les Vandales : le christianisme y était déjà bien implanté au tournant des IVe et Ve siècles. «  La Corse était très ouverte sur l’extérieur. Que ce soit pour le commerce ou pour l’administration de l’île, les gens voyageaient… et leurs idées aussi  », explique ­Daniel Istria. Selon les travaux de ce dernier, c’est entre 395 et 410 que la basilique paléochrétienne et le baptistère qui lui était attenant sont construits. La taille des édifices et le raffinement de la décoration montrent qu’ils sont le fait d’une communauté chrétienne puissante, capable d’un investissement financier important.

    Assez puissante pour décapiter le culte à Mithra ? Daniel Istria demeure prudent, notamment parce que, pour le moment, les indices archéologiques ne fournissent pas une chronologie suffisamment précise pour dire comment s’est faite la succession. « Ce n’est pas parce que Théodose interdit les cultes païens que, sur le terrain, tout s’arrête net. Une cohabitation entre les deux cultes a très bien pu exister », explique le chercheur. Maintenant que la fouille s’achève, toute la problématique scientifique du site de Mariana va consister à déterminer, à partir des éléments mis au jour, si cette cohabitation a bien eu lieu, si elle s’est transformée en conflit entre les deux cultes ou s’il y a eu une sorte de délai de carence entre la fin du mithraïsme imposée par Rome et l’avènement du christianisme.

    Source : Pierre Barthélémy (Lucciana (Haute Corse), d’après Le Monde du 27/02/17

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  • En Corse, des morts de 3 000 ans ont été découverts dans une grotte à 25 mètres au-dessus du sol. Ils n’ont pas livré tous leurs secrets.

    En 2015, Jean-Claude La Milza, de l’association de spéléologie I Topi Pinnuti, et Jean-Yves Courtois, du Groupe chiroptères Corse, ont exploré une falaise calcaire perdue en plein maquis, non loin du village de Lano. Une sorte de porche naturel, à mi-hauteur, les intrigue. Après quelques acrobaties, les deux hommes posent le pied sous le porche et découvrent, masquée par les branches, l’entrée d’une minuscule grotte où des chouettes ont élu domicile depuis longtemps.

    Les restes de rongeurs ne sont pas seuls. Jean-Yves Courtois aperçoit un grand os, un os de vache pense t-il tout d’abord mais il trouve une mandibule humaine et des restes de coffre. Les deux spéléologues prennent des photos, laissent tout sur place et préviennent les services de l’archéologie.

    Les datations effectuées sur une dent et sur un échantillon d’if révèlent que les deux éléments ont trois mille ans. Ils remontent à la fin de l’âge du bronze, soit à la période ses statues menhirs...

    Une petite plate-forme est aménagée sous le porche, une tyrolienne est installée pour évacuer les éléments en bois dégagés par les chercheurs. Deux petits cercueils, d’environ 1,30 mètre de longueur, sont sortis de la grotte. Le premier est composé de plusieurs planches. Le second est, quant à lui, d’un seul tenant, formé d’un tronc d’arbre évidé, mais sans couvercle – sans doute est-il tombé de la grotte. Si le bois a résisté aux éléments et au temps, c’est probablement grâce à un système naturel de « climatisation » au sein du conduit, dont le fond comporte une petite ouverture qui permet à l’air de circuler et de s’assécher.

    A l’exception d’un os d’enfant, les deux cercueils ne contiennent rien si ce n’est de la terre et des cailloux provenant sans doute de la désagrégation du plafond de la cavité. Au total les archéologues mettent au jour plus de 150 os (dont cinq crânes) appartenant à au moins six individus différents.

    Si le boyau est minuscule, il soulève une multitude de questions. Des sépultures perchées dans de semblable cavité représentent un cas unique en France. Il rappelle les tombes, de la fin de l’âge du bronze, perchées dans les falaises de Minorque. Quant au cercueil, il faut aller à l’autre bout de l’Europe, en Scandinavie, pour en trouver de semblables ! Mais les échanges à travers l’Eurasie existaient déjà à cette époque : On retrouve en Corse, par exemple, des perles d’ambre provenant de la Baltique.

    Source : Pierre Barthélémy Le Monde du 12/06/2017
    (http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/06/12/en-corse-des-morts-de-3-000-ans-entre-ciel-et-terre_5143223_1650684.html)